BIOGRAPHIE

BIOGRAPHIE


"Un artiste, un vrai musicien, un poète, une sensibilité exquise" (Olivier Messiaen)

Violoniste, pianiste et chef de chant

1876 - 9 juillet : naissance à Londres de Marie Émile Félix Walter Marrast. Il était originaire du pays de Comminges par son père Eugène Marrast (dit Jean Straram) (19/02/1844 - 11/01/1894) et d'Angleterre par sa mère Marguerite Barthélémy (9/07/1848 - 1935). La famille paternelle était musicienne : sa grand-mère Virginie née Bertho fut élève de Chopin et son grand-père Oreli Marrast, bon violoniste, avait fondé à la Réunion "la Philharmonique de Saint-Denis" qui fut active jusque dans les années 1930. Le père de Walther, épisodiquement chef d'orchestre,  pratiquait la composition et le frère de ce dernier n'était autre que le célèbre journaliste, politicien et écrivain Armand Marrast (1801-1852) qui avait épousé Miss Fitz-Clarence, petite fille naturelle du roi George IV. Marguerite Barthélemy (1848-1935) était la fille de Miss Fitz-Clarence d'un autre mariage. Eugène Marrast et Marguerite Barthélémy se sont mariés à l'Eglise Notre-Dame-des-Champs à Paris, le 30 avril 1868. Ils eurent 5 enfants dont Walter le quatrième et Joseph Marrast (1881-1971) le cinquième qui exerça une importante activité comme architecte (rénovation de l'Opéra, de la Comédie-Française dans les années 1930). 

musical vers un nouvel idéal… »

1877. octobre : la famille s'installe en France.

1883. Le jeune Walther commence le piano, improvise des airs de sa composition à l'harmonium.

1885. Walther est élève du Lycée Janson de Sailly à Paris.

1887. Élève médiocre, il quitte le lycée et se destine à la musique. Il travaille le violon avec Alfred Brun violoniste à l'Orchestre de l'Opéra et soliste à la Société des Concerts du Conservatoire.

1888. Première communion à l'église Saint-Pierre-de-Chaillot.

1892. Walter emprunte le nom de Straram pseudonyme du nom d'artiste de son père Jean Straram (anagramme de Marrast). Il est second violon à l'Orchestre Lamoureux : il a 16 ans ! Parallèlement, il travaille l'harmonie et le contrepoint avec Gustave Sandré (1843-1916) directeur du conservatoire de Nancy. Professeur au conservatoire,  compositeur, Sandré avait traduit de l'allemand des Traités d'harmonie et de fugue du théoricien allemand Ernst Friedrich Eduard Richter (1808-1879). Walther travaille également le piano avec le grand Édouard Risler (1873-1929) qui sera répétiteur au Festival de Bayreuth en 1896. Ces deux personnalités, Sandré et Risler, ont certainement ouvert le jeune Walther à la culture allemande.

1894. Incorporation  à Bernay (Eure). Service militaire à Sainte-Adresse, près du Havre. A-t-il rencontré André Caplet à cette époque ? Réformé en raison d'une mauvaise vue. 

- 2 juin au 2 septembre : Premier violon au Casino Marie-Christine au Havre. 

- Octobre : premier violon puis violon solo au Théâtre des Nouveautés d'Alger.

1895. D'octobre à mars 1896, violon solo au Théâtre des nouveautés à Alger

1896.  12 juillet au 15 septembre : Il est violon solo au Casino de Châtelaillon (Charente-Maritime).

- Août : comme beaucoup de ses contemporains, Straram fait le pèlerinage de Bayreuth ; il s'y rend en compagnie d'André Mallarmé avec lequel il échangera une importante correspondance). André Mallarmé (1877-1956) exercera de nombreuses fonctions politiques comme député, sénateur et ministre des P.T.T. de mars à décembre 1930. 

- 1er au 22 octobre, pianiste accompagnateur des choeurs, et premier violon au Théâtre de Caen 

- Octobre  => mars 1897, Premier violon et pianiste accompagnateur du chœur au Grand Théâtre de Lyon engagé par Albert Vizentini, ancien collaborateur d'Offenbach qui fut chef d'orchestre du Théâtre des Bouffes-Parisiens et directeur du Théâtre de la Gaîté. 

Straram donne des saisons d'été avec le violoniste Jacques Thibaud ainsi que des concerts privés avec le compositeur Reynaldo Hahn qui était ami de Risler et intime de Marcel Proust.

- W.S. collabore avec Richard Strauss à Munich. Au cours de cette période, il se produit régulièrement comme accompagnateur de chanteuses à bord des paquebots Cunard, il organise des concerts de charité, est chef de chœurs en divers concerts de Fauré, Hahn, Massenet ou Saint-Saëns.

1897.  À Pâques ,Premier violon, pianiste accompagnateur au Grand Théâtre de Saint-Etienne.

1898. Fréquente Jeanne Gautier dont il aura quatre enfants (mariage en 1909)

1er octobre au 30 septembre 1899, Premier violon au Casino de la Grande Roue de Paris 74 avenue de Suffren. 

1899.  14 mai participe comme second violon à un concert symphonique  qu'Albéric Magnard donne de ses oeuvres au Nouveau Théâtre.   Au programme figuraient  les Symphonies n° 2 et 3, une Ouverture, un Chant funèbre et Jeanne Raunay chantait 3 pièces pour piano et voix op. 3. "L'exécution a été animée, vivante, artistique" (Magnard à Guy Ropartz, 15 mai 1899).

27 mai : participe comme second violon à un  concert de la Société Nationale salle du Nouveau Théâtre  (oeuvres de Fauré, Koechlin, Ropartz, Lazzari, Ravel, Chausson, Franck, Albeniz, Bréville), orchestre dirigé par d'Indy et les compositeurs. 

17 décembre : naissance de sa fille Yzelle.

1900. 18 janvier : Se produit  comme violoni d'orchestre aux Concerts d'Harcourt  dans Le Messie de Haendel.

- 17 mai Se produit comme violon d'orchestre aux Concerts d'Harcourt au Palais du Trocadéro (Salle des fêtes) dans le cadre de l'Exposition universelle.  

1901. 30 août : Naissance d'Ulrich mort en bas-âge.

1902. mai-juin : Straram (26 ans !) est répétiteur lorsqu'Alfred Cortot (25 ans !) , Hans Richter et Félix Mottl dirigent au Théâtre du Château-d'eau (dir. Victor Silvestre), la première parisienne du Crépuscule des Dieux (le 17 mai : 6 ans avant l'Opéra de Paris 23 octobre 1908) sous le patronage des Grandes Auditions musicales de France ainsi que Tristan et Isolde (trois ans après la première parisienne au Nouveau Théâtre le 28 octobre 1899 mais deux ans avant l'Opéra de Paris le 11 décembre 1904). Le Crépuscule est chanté en français mais Tristan en allemand. Participent de très grandes voix wagnériennes comme Félia Litvinne ou Ernest van Dyck (détails à la page Concerts).  L'orchestre, à l'instar de celui de Bayreuth, avait été rendu invisible et les décors imités des maquettes originales de Bayreuth. Quatre mois de répétitions avec les chanteurs puis l'orchestre composés de 91 musiciens provenant pour la plupart des Concerts Lamoureux et 37 choristes. "Straram, écrit Bernard Gavoty dans son livre sur Alfred Cortot, est venu offrir sa collaboration à Cortot, qui a aussitôt agréé ce jeune musicien, du type bohême et enthousiaste, dont la passion pour son art légitime la vie extravagante : "J'habitais alors 96, boulevard Malesherbes, rapporte Cortot, ayant quitté le domicile de mes parents pour avoir mes coudées plus franches. J'y avais accueilli Straram, à qui m'unissait une amitié fraternelle, cimentée par le culte de Wagner. Que de nuits blanches passées à combiner les coups d'archets de nos partitions : Félix Mottl et Hans Richter, qui alternaient avec moi au pupitre du Festival Lyrique, étaient aussi mes hôtes."

Au dos d'une photo de Cortot, celui-ci écrit "A Walter (sic) Straram, à mon meilleur ami". Dans une lettre, Cortot se plaint "à savoir que tous les chanteurs sont des cabots et partant des mufles". Ces productions seront hélas des fiascos financiers ce qui n'empêchera pas Cortot de monter deux auditions fragmentaires de Parsifal dès l'année suivante (7 et 11 avril) qui lui attireront les foudres de Cosima et lui fermeront définitivement le poste de chef d'orchestre à Bayreuth.

Tout occupé à Wagner, c'est alors qu'il ajoute  un "h" au prénom de Walter faisant ainsi référence au personnage de Walther von Stolzing des Maîtres chanteurs de Nuremberg de Richard Wagner, qui symbolise « le génie sans contrainte et le renouveau de l’art. Straram a-t-il assisté aux représentations de Pelléas et Mélisande de Debussy créé à l'Opéra-Comique le 30 avril ? En tout cas, Straram est nommé chef de chant de cet illustre établissement dont l'actif directeur, Albert Carré, entouré d'André Messager pour l'orchestre, d'Henri Busser pour les chœurs et de Louis Dandry pour les chanteurs, assurait plus d'une trentaine de représentations par mois.

-5 décembre : Walther accompagne au piano le grand baryton verdien Victor Maurel au Victoria Hall de Genève.

1903. 22 mai : naissance d'un premier fils Enrich. (voir infra note 5)

1904. 21 janvier : dirige des chœurs de Reynaldo Hahn chez les Vaudoyer

- 28 mars : dirige Chansons bretonnes de Bougault-Ducoudray, Etudes latines de Reynaldo Hahn, et Israël en Egypte de Haendel dans une version avec accompagnement de piano.

- avril : soirée consacrée à Liszt sous la direction de W. S. dans le salon de la famille Girette. 

- 14 décembre : accompagne la chanteuse Ernestine Gauthier (1880-1988 morte à 108 ans !). Il la retrouvera à Boston en 1912-1913. Dirige des extraits de La Pastorale de Noël de Reynaldo Hahn.

1905. 1er mars : naissance d'un dernier enfant Karl. Straram est nommé Chef de chant à l'Opéra de Paris où il travaille avec André Messager, Paul Vidal...

Mai :  La chanteuse Angèle Duglé organise une matinée en présence de Saint-Saëns au cours de laquelle Reyhaldo Hahn et W.S. dirigent des choeurs. Dans les salons de Madeleine Lemaire  est donné L'Isle heureuse d'Eugène Moret, avec Jean Périer, créateur du rôle de Pelléas, choeur et orchestre sous la direction de W. S. 

1906. 18 janvier Accompagne au piano Louise Grandjean avec le Quatuor Capet.

- 31 octobre : comme chef des chœurs à l'Opéra, il participe à la création de l'opéra Ariane de Jules Massenet qui lui dédicace sa partition chant et piano : "A mon très cher ami Walther Straram, en affection reconnaissante et en souvenir des études d'Ariane à l'Opéra".

- 4 décembre : concert avec l'Orchestre Colonne sous la direction de Colonne avec le chanteur Fendall Pegram que Straram accompagne au piano dans les Dichterliebe de Schumann.

- ? décembre Straram dirige un concert à l'Interprix. Massenet lui écrit le 15 décembre : "Dans le programme du concert que vous dirigez à l'Interprix vous pensez à moi... J'en suis très touché !"

1907. Mars Il dirige une représentation privée de Salomé de Strauss au Petit Théâtre rue Blanche à Paris, opéra que Strauss dirigera au Théâtre du Châtelet le 8 mai. 

Chez Madeleine Lemaire, il accompagne au piano une audition privée des deux premiers actes de La Forêt bleue de Louis Aubert. Ce n'est que le 8 mars 1913, à Boston, qu'André Caplet dirigera la création de l'ouvrage avec Straram pour assistant.

- 24 mai : Straram participe à la création de La Catalane de Fernand Leborne à l'Opéra de Paris. L'auteur lui dédicace sa partition : "En souvenir des heures inoubliables passées au milieu des exquises danseuses de l'Opéra".

- 25 novembre : Straram participe comme répétiteur au piano à la création du ballet de Henri Maréchal : Le Lac des Aulnes.

1908. 6 juin; W.S. dirige le choeur des "filles fleurs" lors d'une audition  privée du second acte de Parsifal chez madame Willy Blumenthal avec Félia Litvinne (Kundry) et Édouard Risler au piano. 

12 juin W.S. dirige de choeurs de Reynaldo Hahn lors d'une « brillante soirée » donnée dans le salon de la chanteuse Angèle Duglé, nièce de Gounod. Dans ces années W.S., chef des choeurs de l'Opéra Comique, est très sollicité dans les salons mondains qu'il fréquente notamment avec Reynaldo Hahn et Édouard Risler.

Paris, New York, Boston

1909. 20 octobre : mariage avec Jeanne Gautier (21/08/1876 - 21/12/1960) quelques jours avant de partir aux États-Unis à bord du paquebot La Touraine du 23 au 31 octobre. Jeanne Gautier accueillera chez elle la chanteuse Marya Freund pendant la guerre 1939-1945.

- 15 novembre : débute au Manhattan Opera House de New York comme répétiteur et chef de chœur.

1910. 1er janvier à fin mars : à New York. Collabore à des productions d'Elektra et de Salomé de Strauss, de Thaïs de Massenet. Comme répétiteur, il assiste des chanteurs comme Mary Garden, Charles Dalmorès, Maria Kousnezoff-Massenet, Albert Alvarez, au Manhattan Opéra House.

1912. Il devient chef de chant assistant et secrétaire d'André Caplet à l'Opéra de Boston. Selon le témoignage d'Yvonne Gouverné, c'est sur la recommandation d'un musicien que Caplet l'enrôla : "Personne ne connaît mieux les voix que lui, ce qu'on peut en obtenir. Seulement je crois qu'il est à l'Opéra... fantaisiste à l'excès, très intelligent, mais il ne fait que ce qu'il veut...".  Aussitôt Caplet de dire : "C'est celui-là qu'il me faut ". Ils se virent pour la première fois dans un certain petit café place du Trocadéro... (chacun d'eux m'ayant dit la même chose, précise Gouverné, j'en conclus que cela doit être vrai ! ). Ce qui est certain c'est qu'une amitié totale devait naître entre eux, soudée par leur travail en commun à Boston. Dès lors, la musique devait toujours leur donner de nouveaux prétextes à mettre leurs efforts en commun". [1] C'est donc comme spécialiste de la voix  - et pour son fort tempérament ! - que Straram était réputé et c'est à ce double titre que Caplet l'engage. Dans un courrier, Maurice Emmanuel, estimera que Caplet et Straram sont les seuls chefs à être intransigeants sur la justesse des chœurs. "Malgré une reconnaissance réciproque de leur valeur artistique, écrit Denis Huneau, un certain différent opposera Straram et Caplet lorsque ce dernier dirigera l'Orchestre Pasdeloup et provoquera sa démission". En effet, Caplet et Straram se trouveront opposés à propos de l'organisation d'un concert du 29 décembre 1922 qui conduira à la démission de Caplet. Mais ce différent restera anecdotique pour les deux amis. 

- 12 octobre : Straram est donc engagé pour 5 mois comme « chef de chant, répétiteur, assistant conducteur, secrétaire de Maître Caplet » à l'opéra de Boston  [2]. Il accompagne des chanteurs dans des récitals de mélodies. Il assiste notamment Caplet dans la création de La Forêt bleue de Louis Aubert en mars 1913 et dans les très nombreux opéras français montés à Boston (Louise de Charpentier, Samson et Dalila de Saint-Saëns, Carmen de Bizet, etc. A Paris, de même, Straram se fait une réputation de pianiste accompagnateur avec des chanteurs tels que le baryton Victor Maurel, Ernestine Gauthier, Maria Kousnezoff-Massenet.. ; il accompagne des chœurs régulièrement.

1913-1914 : Collabore avec Caplet à l'Opéra de Boston pour les saisons lyriques de novembre à fin mars.  Voir 

1914. mars-avril : Il est chef de chant à la saison "anglo-américaine de grand  opéra" (Boston opera Company et Covent Garden) qui programme 13 opéras (Verdi, Puccini, Wagner, Mozart, Léoncavallo, Wolf-Ferrari...), 2 créations sous les baguettes de 9 chefs parmi lesquels Albert Coates, Pierre Monteux, Roberto Moranzoni, Ettore Panizza, Félix Weingartner... 

1915. Fréquente toujours le salon de Madeleine Lemaire qui lui écrit le 1er mars : "Bien que vous soyez le dernier des goujats pour ne pas dire plus, avec moi, j'aimerais savoir ce que vous devenez ".  ??? 

 - 26 juin : Affecté à la 29ème section d'infanterie militaire. Vaguemestre à l'hôpital de Rolin (?) . Deux campagnes 26 juin au 16 septembre. Remobilisé le 20 décembre. au 1er Génie à Versailles. 

Le chef d'orchestre prend la baguette
1917. Après la guerre, Straram va tout d'abord se produire régulièrement comme chef d'orchestre au Théâtre du Vieux-Colombier. En effet, Jane Bathori qui a travaillé sa technique vocale avec Straram lui confie la direction musicale du théâtre (ouvert le 22 octobre 1913) car Jacques Copeau, son directeur, est alors absorbé par ses activités de conférencier aux Etats-Unis. (voir Bibliographie article de Linda Laurent)
- 17 décembre, W.S. crée les
Inscriptions champêtres de Caplet. "On a fait 32 répétitions de cette œuvre difficile ; il y eut bien dix alertes, qui obligeaient les chanteuses à rentrer chez elles, quelquefois très loin, à pied par la voie souterraine du métro" (Correspondance Jacques Copeau à Roger Martin du Gard).
1918. Dans une lettre du 23 avril à Jane Bathori qui le sollicitait pour monter Pelléas et Mélisande aux États-Unis, André Caplet propose Walther Straram pour le remplacer. « Petite amie, si j'avais à monter Pelléas et Mélisande je n'hésiterais pas : je prendrais Straram pour en diriger l'exécution. Il a toutes les qualités qu'il faut pour cela : de la musicalité, de l'enthousiasme en masse, du soin, de l'ordre dans les études préparatoires, de la fermeté, du goût (du bon) en foule... Qui serait préférable ? Je ne vois personne. »

Jane Bathori aux États-Unis demande à Straram si elle peut utiliser sa méthode de chant.
- 2 décembre : Au théâtre du Vieux Colombier, W.S. crée
Le Dit des jeux du monde de Honegger (un beau scandale digne de celui du Sacre en raison de la hardiesse des décors et d'un texte ampoulé de Paul Méral). Il y dirige également une reprise d'Une éducation manquée de Chabrier ainsi que Le Jeu de Robin et de Marion d'Adam de la Halle. A Boston auprès de Caplet puis ensuite au Vieux-Colombier, Straram s'est réellement formé à la direction d'orchestre et a trouvé sa voie.
1919. 6 octobre : W.S. est nommé professeur de musique de chambre vocale à la Schola Cantorum.
1920. 21 avril : première leçon de chant à Julia  Nessy, élève que Straram accompagnera par la suite à plusieurs reprises soit au piano soit comme chef d'orchestre. Son mari, l'agent artistique Pavel Bächer, envoie à Straram le 12 décembre un piano-chant de LIbuse de Smetana avec la mention "En souvenir d'inoubliables moments passés ensemble et expression de ma vice admiration".
1921. 31 janvier : W. S. demande des conseils à Caplet où sujet de La Mer Debussy et d'España de Chabrier et lui réclame de mettre à sa disposition les matériels d'orchestre d'España, de l'Ouverture de Gwendoline de Chabrier ainsi que la Pavane pour une infante défunte de Maurice Ravel. A cette époque, Straram incite son ami Caplet à accepter de diriger la reprise du Martyre de Saint-Sébastien de Debussy : "Je comprends parfaitement qu'une situation à l'opéra ne vous tente pas et vous avez vraiment mieux à faire ; mais cependant, pour le Martyre, j'accepterai sans aucune hésitation si j'étais à votre place et ceci pour des raisons que je trouve hautement supérieures parmi lesquelles : la piété que l'on doit avoir pour le génie de Claude Debussy, qui pratiquement vous impose de ne pas laisser encore une œuvre de lui se galvauder au répertoire dans des conditions méprisables, que vous pouvez énormément dans la suite, si vous en dirigez seulement les premières exécutions - [...] Je vois encore une foule d'autres raisons que je vous dirai de vive voix, si vous me le permettez, et qui me sont guidées par ma perspicace affection." La reprise sous la direction de Caplet aura effectivement lieu le 18 juin 1922 à l'Opéra de Paris.
- 27 février : Straram dirige à Prague l'Orchestre Philharmonique Tchèque avec en soliste Julia Nessy-Bächerova. => 
Concerts
- 6 avril : Caplet accompagne Julia Nessy dans un concert à la S.M.I. où elle crée
Le Pain Quotidien de Caplet. Celui-ci écrit à Straram : "Mon bon Walther : J'accompagne Madame Nessy parce que c'est elle, parce qu'elle est votre élève et qu'elle a d'énormes qualités."
- 4 mai : Première leçon de chant
Ganna Walska (voir infra).
- 23 décembre : récital de chant donné salle des Agriculteurs par Julia Nessy accompagnée par Straram au piano avec des œuvres de Aubert, Debussy, Ravel et Roussel. Caplet accompagne lui-même la chanteuse dans les T
rois Fables de La Fontaine. Voir Concerts
1922. L'agent artistique Pavel Bächer qui habitait Prague, organise une tournée pour sa femme Julia Nessy et Straram. Ils se produisent dans des programmes de musique française à la Philharmonie de Berlin, salle Beethoven (3 et 6 janvier), Prague, Vienne. 
Straram suggère à son élève, la riche cantatrice Ganna 
Walska, seconde épouse du riche Américain Harold McCormick (1872-1941) [3] d'acquérir, en souscrivant à l'augmentation du capital, la majorité des actions privilégiées de la Société Immobilière du Théâtre des Champs-Elysées (TCE). Devenue propriétaire des lieux, elle ne pourra en avoir la libre jouissance pas avant le 1 er juillet 1928. En effet, l'occupation du théâtre était grevé par des baux accordés à différents producteurs de spectacles : Quinson, Jacques Hébertot, Rolf de Maré et ses ballets Suédois, Feldman...Jefferson Cohn (Sté Parisienne de Spectacles). C'est la raison pour laquelle, les trois premières Saisons de l'Orchestre Straram se tinrent à Gaveau puis à Pleyel avant de se produire au TCE en 1928.
- 2 février : dans une longue lettre de 16 pages expédiée en recommandé à Jacques Hébertot, W.S. fait part de ses intentions concernant l'organisation de concerts symphoniques mettant en valeur les différentes écoles nationales : "Faire connaître dans son ensemble la production moderne dans toutes ses tendances de diversité esthétique et de milieu national, mais appartenant à un certain degré de qualité au-dessous duquel il ne faut pas descendre sous peine d'en diminuer fortement l'intérêt. [...]Sur l'emploi de l'Orchestre du Théâtre des Champs-Elysées ou d'un autre, nous sommes entièrement d'accord sur l'utilité de modifier le titre de cet orchestre. Il reste évident qu'au point de vue de sa qualité on pourrait en former avec des éléments meilleurs et une unité plus complète. [...] Je n'ai pas besoin de vous dire, cher ami, que je serais particulièrement heureux, si je puis réaliser ce projet avec vous - cependant si vous préférez le tenter avec un autre collaborateur que moi, libre à vous, et croyez que je serais le premier à y applaudir s'il réussit - Ce que je tiens à préciser, c'est que si, ce que je regretterais infiniment pour ma part, il n'avait pas de suite entre nous, conserverai ma complète liberté d'action pour le réaliser seul ou avec une autre collaboration." Cette lettre révèle clairement les projets de Straram à cette époque, projets qui déboucheront dès l'année suivante sur les Quatre Concerts de musique moderne internationale et la constitution de son orchestre puis des Saisons de concerts à partir de 1926.
- Juin : Straram est à Prague avec Hans Krasa et Alfredo Casella. Au cours d'une tournée, le violoncelliste
Maurice Maréchal écrit le 20 octobre à André Caplet avec pour en-tête: "L'agent de liaison Maurice maréchal de la 1ère Tournée (Division Straram) au Sergent André Caplet, Commandant de dépôt". Un petit mot de Straram en fin de lettre montre qu'il accompagne le violoncelliste dans ses récitals. Le maestro retrouvera le soliste le 8 juin 1925 dans Épiphanie de Caplet mort quelques semaines plus tôt, le 22 avril.

L'Orchestre des Concerts Straram, le Théâtre des Champs-Elysées

1923. 27 janvier. Première retransmission en direct d'un concert (Salle Gaveau) sur Radio Paris. Straram réunit un orchestre constitué de l'élite des musiciens français de l'époque. À la tête de cet orchestre de prestige auquel il donne son nom en 1925, W.S. va exercer une extraordinaire activité au service de la musique de son temps. Il donne en avril-mai au TCE "Quatre concerts de musique moderne internationale" avec un grand nombre de créations. "La tentative la plus méritoire, la mieux raisonnée a été, jusqu'à présent, celle de Walther Straram qui, aux Champs-Elysées, nous donna en quatre séances, un judicieux aperçu des principaux partis siégeant actuellement dans le parlement musical européen" (Paul Le Flem, Comoedia, 25 août 1924). À cette occasion, Caplet procure à son ami une partition manuscrite d'orchestre et la réduction des Quatre pièces op. 12 de Bartók données le 1er mai. Recommandé par Caplet, Pierre Bernac reçoit des cours de chant de Straram.

- 1er mai : dirige la première audition française de la Passacaille op. 1 d' Anton Webern.

- 7 septembre : embarquement au Havre pour New York et Chicago avec Ganna Walska peut-être dans le but de chercher des interprètes et des financements pour le Festival Mozart de l'année suivante.

1924. La 8e Olympiade se déroule à Paris. [4] Dans le cadre de la Grande Saison d'Art fut organisé un grand Festival Mozart avec la participation de l'Opéra de Vienne (Don Giovanni, L'Enlèvement au sérail et Les Noces de Figaro sous la direction de Franz Schalk (Vittorio De Sabata dirige les chœurs)). En juin, Straram organise à son tour son propre festival Mozart avec Don Giovanni, Cosi fan tutte, Les Noces, le Requiem... Les opéras sont donnés trois fois et chantés en italien avec la participation de Ganna Walska.

1925. 4, 8 et 11 Juin  Trois Concerts de la Société Internationale de Musique contemporaine au Théâtre de l’Exposition Internationale des arts décoratifs construit spécialement à cette occasion par Perret et Granet sur l'esplanade des Invalides avec des œuvres de Weill, Schoenberg, Bartók, etc. A cette occasion, l'orchestre Straram acquiert une renommée internationale notamment en Allemagne et aux États-Unis.

- 4 décembre : W.S. dirige à l'Opéra de Paris des ballets d'Ida Rubinstein. Vers cette époque, il enseigne et dirige des chœurs de femmes dans le cadre du cours Suzanne Nivard, les 1ers et 3e mardis de chaque mois. 

1926. Il rédige son Projet de fondation de concerts symphoniques à Paris dans lequel il définit l'organisation de son orchestre et sa programmation. 

Du 22 Janvier au 6 mai salle Gaveau, tous les jeudis, Straram entame alors une série de huit saisons de concerts. Cette 1ère saison comprend 12 concerts. 

- 21 juin : il dirige le Miroir de Jésus de Caplet à Zurich. 

- 24 juillet : Szymanowski rencontre Straram et lui joue son Stabat Mater. Straram, très enthousiaste, s'engage à le donner la prochaine saison (en réalité, c'est la Troisième Symphonie qu'il dirigera le 28 avril, salle Gaveau). Szymanowski avait rencontré sa compatriote Ganna Walska en 1925 et n'avait pas manqué de chercher à le séduire lors d'un dîner le 24 juin. Elle invita même le compositeur à la rejoindre à Venise, au mois de novembre, en lui faisant remarquer qu'il "est triste de vivre dans un siècle où les gens ne veulent pas vouloir".  Et Szymanowski de rétorquer à ses amis Kochanski "C'est facile  de "vouloir" partir pour Venise quand on a un demi-million de dollars de revenus annuels..." 

- 22 octobre : W.S. assite à l'ambassade du Danemark, avenue Marceau, à une soirée musicale en l'honneur de Carl Nielsen. Sont également présents Maurice Ravel, Robert Brussel, Henri rabaud, Jacques Rouché (Gaulois, 24 octobre 1926).

- 27 novembre : concert de Straram à New York, au Town Hall. Il est reçu membre du Advisory Board.

1927. 27 janvier au 19 mai 2ème saison de 16 concerts salle Gaveau.

29 juin au 4 juillet : Straram est invité à Francfort-sur-le Main au 5e Festival de l'Internationalen Gesellschaft für neue musik où il dirige le 1er juillet le Cantique du soleil de Raymond Petit et le 3 juillet L'Offrande à Silva de Claude Delvincourt. Les chefs se partageaient un même concert ; parmi eux : Wilhelm Furtwängler, Clemens Krauss, Hermann Scherchen... voir détails à la page Concerts. Straram envisage de faire venir Bartók  à Paris  afin d'y créer son Premier Concerto pour piano. Il envisage, par ailleurs, d'organiser un festival Alban Berg  - en présence du compositeur - au cours duquel seraient donnés des extraits de son opéra Wozzeck. Ces deux projets n'aboutiront pas, hélas, mais témoignent de l'ouverture de Straram aux courants musicaux les plus avancés de son époque.

1928. 19 janvier au 10 mai 3ème saison de 16 concerts Salle Pleyel. Le 10 février, Stravinsky dirige l'Orchestre Straram : Le Sacre, Le Chant du Rossignol... 19 mars Festival Falla, 21 avril Festival Honegger.

28 mai : Ganna Walska signe un accord qui la rend réellement propriétaire du TCE et libre d'en disposer à compter du 1er juillet.

Le 14 juin, Straram aurait dirigé Salle Pleyel l'acte II de L'Ange de feu de Serge Prokofiev.
- 1er juillet : Ganna Walska obtient le libre occupation du TCE. Elle en confie l'exploitation à Walther. Lors de la réception organisée à cette occasion elle déclare : "Et si nous avons le privilège d'entendre des sons divins dans ce cadre de beauté dans une atmosphère sublime, nous le devons à ce musicien parfait qui est présent parmi nous ici, M. Walther Straram ! Ainsi que me reste-t-il à moi ? Le geste vulgaire de signer des chèques. Je suis certaine que vous tous, avec moi, pensez que ce n'est une action ni spécialement flatteuse, ni héroïque."
- novembre-décembre, Straram accompagne les ballets d'
Ida Rubinstein dont le 22 novembre la création du Boléro de Maurice Ravel à l'Opéra de Paris. Décors d'Alexandre Benois inspirés de Goya. Ernest Ansermet avait été pressenti, mais les syndicats de l'Opéra s'y opposèrent du fait qu'il venait de fonder un orchestre concurrent  : l'Orchestre Symphonique de Paris.
1929. 24 janvier au 16 mai 4ème saison de 16 concerts au Théâtre des Champs-Elysées. Ganna Walska le nomme administrateur délégué de la Société Parisienne de Spectacles (Théâtre des Champs-Elysées).

- 3 et 17 mars, 14 et 28 avril : « Projet de Quatre concerts de culture musicale pour la jeunesse » s'adressant « aux jeunes gens et aux jeunes filles de treize à dix-huit ans ».
-21 mars : création française des
Cinq Pièces op. 10 de Webern devant un auditoire "effaré et ravi" selon Émile Vuillermoz (Comœdia, 25/03/1929)
- 11 avril : S'associe au soixantième anniversaire d'Albert Roussel avec un concert consacré à ses œuvres.

- 20-24 et 26-30 juin : Est organisé au mois de juin un Festival Richard Wagner avec la collaboration de Franz von Hoesslin directeur musical et Wolfram Humperdinck, directeur de la scène des Bayreuth Festspiele. (2 Tétralogies en allemand sous la direction de Franz von Hoesslin) : "Décors indigents" de Egon Wilden selon le critique Émile Vuillermoz.

- 2-5 juillet : Enregistrement pour Pathé frères des extraits de cette Tétralogie. Dans la plaquette présentant ces disques on peut lire: "Les représentations de Bayreuth, données en juin dernier, à Paris, au grand festival organisé au Théâtre des Champs-Elysées, ont remporté un triomphe sans précédent. Des foules sont accourues, non seulement de Paris, mais de toute la France et des pays les plus lointains du monde pour acclamer les célèbres artistes allemands avec les chœurs et l'admirable Orchestre Straram, sous la direction du Maître von Hoesslin. La série de ces représentations s'est déroulée d'un bout à l'autre devant des salles combles, et telles qu'aucun spectacle n'en avait encore jamais attirées à Paris."
Faisant le point de la saison 1928-1929, Straram écrit : "Le but artistique de cette première saison était de créer au Théâtre des Champs-Elysées un centre musical international de premier ordre, particulièrement sous la forme de concerts, de spectacles lyriques et de danse. Cette saison a compté 303 séances publiques composées de 112 concerts, 194 spectacles lyriques, 9 spectacles de danse, 19 présentations de films et 29 séances diverses".

Au cours de l'été, W. S. devient membre du comité musical de la firme des électrophones Thomson-Houston. Gabriel Pierné, Reynaldo Hahn, Arthur Honegger, Maurice Ravel, D-E Inghelbrecht, Dominique Sordet en font également partie.
- 9 août : Straram reçoit la Légion d'honneur du ministre de l'Instruction publique Pierre Maray.
- 12 octobre : Straram entame une série d'émissions pédagogiques musicales sur Radio Tour Eiffel. Tous les samedis, l'émission
L'Heure radiophonique à l'école initie les jeunes enfants à la musique avec un programme assuré par les productions du Théâtre des Champs-Elysées. Georges Salesse, dans Parole libre du 29 octobre 1929 loue une "œuvre utile et d'intérêt public". L'expérience fut semble-t-il de courte durée. Notons au passage qu'André Mallarmé, ami de longue date de Straram, sera ministre des PTT du 2 mars 1930 au 13 décembre 1930. Straram fera partie de la commission officielle de la radio qui comprenait Pierre Monteux, Philippe Gaubert, Maurice Jaubert, Gabriel Pierné, Paul-Marie Masson, Jacques Rouché (Ciné-Document n° 3, mars 1932).
- 12 décembre : 10ème anniversaire du Groupe des Six.
Au cours de l'hiver 1929, l'Opéra Privé de Paris, à l'initiative de la chanteuse Maria Kousnezoff-Massenet programme
Le Prince Igor de Borodine, Le Tsar Saltan, Snégourotchka et Kitège  de Rimski-Korsakov." L'orchestre est celui de Walter (sic) Straram, que tout Paris connaît et admire."
1930. 23 janvier au 15 mai 5ème saison de 16 concerts au TCE. Au printemps, nombreux enregistrements discographiques pour Columbia.
- 29 septembre : Concert à Berlin à la Bechteinsaal avec le Quatuor Roth où Straram accompagne sur un piano Bechstein Ganna Walska dans différents airs, de Monteverdi à
Plaisir d'amour de Martini.

- 22 octobre, il organise un Gala Richard Strauss sous la direction du compositeur. "Don Juan, Zarathoustra, Mort et Transfiguration ont été, contre toute attente, enchanteurs, angéliques même alors que nous pensions retrouver Richard Strauss nerveux, bruyant et dominateur. L'Orchestre Straram a opéré là un miracle auquel n'est vraiment pas étranger son chef habituel qui a dû préparer cette ambiance de "paix" avec l'esprit d'à propos qu'il nous a quelquefois révélé." (René Doire, Chronique musicale)
- décembre : W.S. perd un de ses petits-fils, Carol, fils de sa fille aînée, Yzelle. Straram en fut très affecté se sentant responsable de cette mort car il aurait (?) été atteint de tuberculose comme lui. Louis Jouvet écrit le vendredi 12 décembre : "On m'apprend la maladie de votre petit et les graves inquiétudes que vous avez. - Je pense à vous mon cher ami avec une grande affection - avec émotion aussi." Le chef Eugène Bigot écrit le 19 décembre à Walther au 78 av. Kleber Paris 16ème : "Sachant quelle affection profonde vous aviez pour ce pauvre petit, je suis très douloureusement affecté par la nouvelle de sa mort et je prends une grande part à votre douleur." Georges Migot fait part également de son affectation et écrira au cours de l'été 1932 un petit recueil de pièces pour piano
Le Calendrier du petit berger dédié à la mémoire du petit-fils de Straram. Poulenc envoie une carte de condoléances.
A cette triste occasion, s'associe la veuve d'André Caplet dans une lettre très émouvante (voir reproduction infra)
- Hiver 1930-1931 : L'Opéra Privé de Paris organise sa deuxième saison avec le concours de l'Orchestre Straram et des chanteurs russes :
Le Prince Igor de Borodine, Rouslan et Ludmila de Glinka Sadko de Rimski-Korsakov, Boris Godounov de Moussorgski avec Fédor Chaliapine dans le rôle titre. "Sur la scène, les grandes orgues : la voix de Chaliapine ! Dans la fosse orchestrale : les violons et les violoncelles de l'orchestre Straram nous ont donné une inoubliable soirée." (Le Journal, 23 décembre 1930)
1931. 22 janvier au 14 mai 6ème saison de 16 concerts au TCE.
17-18 février : Stravinsky enregistre sa
Symphonie de psaumes avec l'Orchestre Straram avant de la donner en concert le 24 février (première audition française). W.S. remporte le premier grand prix du disque le Prix Candide pour l'enregistrement du Prélude à l'Après-midi d'un faune réalisé l'année précédente. Il est nommé directeur des enregistrements Columbia. Au cours de la saison 1931-1932, 38 séances d'enregistrement Columbia sont réalisés au TCE soit deux fois plus que l'année précédente. 
- octobre : divorce de Ganna Walska et Harold McCormick ce qui met en péril les ressources du TCE.
1932. 28 janvier au 18 février 7ème saison de 4 concerts au TCE : saison réduite pour raison de santé. Straram était un grand fumeur (comme Szymanowski !) et il souffrait d'affection respiratoire. Il séjourne alors au Grand Hôtel de Leysin pour respirer le bon air Suisse.
- 18 février : Olivier Messiaen écrit à Straram : "Je me préparais à aller entendre le Voyage d'Urien, œuvre très remarquable de mon ancien camarade Jean Rivier lorsque j'ai appris que les concerts Straram étaient arrêtés, que vous étiez malade, et aviez quitté Paris déjà. Je vous écris aussitôt, espérant que ma lettre vous fera quelque plaisir. Je comprends qu'elle doit être votre tristesse ! Abandonner en pleine saison cette société que vous avez faite et qui est ce qu'il y a de plus beau à Paris, à tous points de vue ! |...] Beaucoup de compositeurs (et moi-même) regretteront évidemment très vivement tant de 1
ères auditions retardées mais qu'est-ce que cela à côté de votre santé ? Pour moi je tiens à vous dire que cela m'a fait beaucoup de peine de vous savoir malade. La bonté de votre cœur, la nouveauté de vos idées, votre sens poétique et artistique, le soin, l'émotion de votre direction vous ont attiré l'admiration de tous les jeunes. Je partage ce sentiment en y ajoutant ma reconnaissance et ma respectueuse affection "...
- juin : Festival de musique polonaise avec la participation de Paderewski (récital de piano le 25), Concert au TCE avec l'orchestre Straram sous la direction de Fitelberg. Rencontre Karol Szymanowski (voir 
bibliographie Van Moere).
1933. 9 février au 4 mai 8ème saison de 12 concerts au TCE. Straram est sollicité pour diriger la musique du film d'André Sauvage / Léon Poirier La Croisière jaune, musique de Claude Delvincourt. (voir détails à  Concerts année 1933).
Mai-Juin : Straram intervient auprès des autorités militaires pour que Messiaen fasse son service militaire "comme timbalier et musicien de batterie dans la musique du capitaine Clément, au 24
e régiment d'infanterie, 2e bataillon, à Paris. Tout ceci afin de ne point perdre sa place à la Trinité, ce qui le réduirait à la misère". Straram avait créé ses Offrandes oubliées (19/02/1931) et venait de créer l'Hymne au Saint-Sacrement le 23/03/1933.
- 20 juin : Straram dirige au TCE une représentation privée de
Pelléas et Mélisande de Debussy. Cette représentation avait été entièrement financée par Ganna Walska qui chantait Mélisande. "En cette mémorable soirée, rapporte-t-elle dans ses  Mémoires, mes amis saisirent l'occasion de m'exprimer, avec des fleurs, leur appréciation de la bonne musique entendue dans notre théâtre. Il résulta de leur aimable pensée, que la scène où meurt Mélisande fut transformée en un splendide jardin, car, autour du lit sur lequel, quelques secondes auparavant j'avais mystiquement rendu l'âme, il y avait plus de cent soixante compositions florales, des corbeilles géantes pour la plupart. Je n'ai pas pu m'empêcher de penser, avec malice, qu'on me faisait là des funérailles de première classe, mais j'étais la seule à pouvoir en comprendre l'ironie, car je savais que les fleurs m'étaient adressées en tant que mécène des arts, en tant tant qu'amie et pas du tout en tant qu'artiste."
En effet, le public très choisi et mondain ne fut guère conquis, probablement en raison des limites vocales de la chanteuse mécène. Elle était heureusement entourée de Pierre Bernac (Pelléas, élève de Caplet), Henry Etcheverry (Golaud), Claude Pascal (Yniold)... Décors et costumes de
Boris Bilinsky.
- 12 - 18 octobre : Toscanini choisit l'orchestre Straram pour faire ses débuts à Paris : le maestro dirige trois fois (12-17-18 octobre) l'Orchestre qu'il juge comme l'un des meilleurs du monde. Ce sera la dernière joie de Straram miné par une affection pulmonaire.
-
24 novembre : Straram décède à l'âge de 57 ans. Il est inhumé le 26 au cimetière de Passy, non loin des tombes de Claude Debussy, Gabriel Fauré', André Messager.

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CONDOLÉANCES

De très nombreuses lettres de condoléances de compositeurs, de chefs d'orchestre et de musiciens témoignent de sa notoriété, de ses qualités d'artiste et d'homme :
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Ernest Ansermet s'associe au deuil "dans un affectueux hommage à l'admirable artiste et à l'homme généreux qu'il était..."
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Gabriel Astruc : "Vous savez l'admiration que j'avais pour le grand artiste qu'"tait votre père. Vous savez aussi que j'avais pris part à l'organisation de ses premiers concerts au Théâtre des Champs-Elysées. Nous nous connaissions de près de 40 ans ! je l'ai vu naître à la renommée et devenir par son travail opiniâtre le maître incontesté qu'il était hier encore...".
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Elsa Barraine : "...si bon et si dévoué à la Musique que sa perte est irréparable pour nous autres jeunes, aussi bien pour les joies artistiques qu'il nous donnait que par sa bienveillante amitié."
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Lennox Berkeley : "C'est une perte terrible pour les jeunes compositeurs car il était presque le seul parmi les chefs d'orchestre ici à vraiment comprendre et aimer la musique moderne ; et en général la façon désintéressée dont il aimait la musique est une chose assez rare - car il aimait la musique pour elle-même, et il jouait seulement celle qui lui semblait intéressante sans s'occuper des conséquences auprès du publique. Je n'oublierai jamais le fameux concert auquel M. Straram a joué une nouvelle œuvre du compositeur Berg - il a été magnifique ce soir-là."
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Eugène Bigot le 30 nov. à Enrich : "Voulez-vous dire à votre maman et à vos frères et sœur toute la peine que j'ai ressentie en apprenant la mort de notre pauvre cher Walther et toute la grande part que je prends à votre douleur."
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Wilhelm Furtwängler : " Vous prie de croire, chère Madame Straram, à l'expression de sa sympathie profonde" 
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D-E Inghelbrecht : "Je suis très triste, moi-même, de voir disparaître Walter (sic), que j'approuvais pas toujours, certes, mais avec qui j'avais commencé ma vie d'orchestre [...] Walter qui aima toujours passionnément la musique, Walter qui était intelligent en même temps que musicien. Et c'est rare -."...
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Gian Francesco Malipiero : "La nouvelle de la mort de Walter Straram m'a profondément troublé... J'ai perdu un ami et la musique moderne a perdu son plus grand apôtre"... 
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Marcel Mihalovici : "un grand chef s'en est allé , un grand musicien , un grand ami des compositeurs"...
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Olivier Messiaen : "C'est avec une douleur extrême que j'ai appris la mort de Walther Straram. C'est une grande personnalité qui s'en va. Un artiste, un vrai musicien, un poète, une sensibilité exquise. J'ai prié pour lui et suis bien sûr que son noble labeur lui vaut maintenant la lumière et la lumière éternelle."
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Georges Migot : "...il vécut sa vie comme une mission pour la musique... - et c'était là un cœur à cœur pour moi que je n'oublierai jamais"...
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Darius Milhaud : "Quel terrible malheur ! [...] Ce deuil cruel dépasse les siens, ses amis, , et frappe la musique elle-même"...
- Mr et Mme
Pierre Monteux, Cormeilles en Parisis, présentent à Madame Straram et à ses enfants leurs plus sincères condoléances et leurs regrets les plus vifs.
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Maurice Ravel envoie un télégramme : "Apprends affreux malheur ; consterné vous présente ma respectueuse sympathie ainsi qu'à votre famille."
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Rhené-Baton : Je m'incline devant les volontés formelles de votre cher disparu : je n'envoie pas de fleurs, je n'essaye aps de le voir une dernière fois. Mais c'est c'est un gros chagrin pour moi, car je l'aimais beaucoup, et je l'estimais énormément comme musicien et comme homme.
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Albert Roussel : "Il a été de tous nos chefs d'orchestre, celui qui a agi le plus efficacement en faveur de la musique moderne, de la jeune musique française. Combien de nos plus récents compositeurs lui doivent d'avoir pu entendre des partitions qui n'auraient jamais été exécutées ! Et quel merveilleux animateur il était ! Mais ce n'est pas seulement l'artiste rare qui m'était cher, c'est aussi l'homme avec ce pur et ardent amour de la musique qui le possédait, cet enthousiasme qui le dévorait, cette flamme intérieure qui a fini par le consumer tout entier ; c'est son désintéressement de tout ce qui n'était pas son art, son inlassable dévouement pour ceux qu'ils aimaient. Je m'arrête ici, je ne voudrais pas avoir l'air de prononcer un discours ; je tenais seulement à ce que vous sachiez la grande part que ma femme et moi prenons à votre deuil"...
-
Florent Schmitt : "Je le vois encore dirigeant la symphonie de Raymond Loucheur, la symphonie de Ferroud, le poème d'Alban Berg, ces œuvres maîtresses dans la production contemporaine, et tant de belles pages inconnues ou méconnues qu'avec un flegme hautain il brandissait contre vents et marée, insoucieux des protestations philistines, et finissait toujours par imposer à la compréhension des foules. Aussi son souvenir restera-t-il vivace dans la reconnaissance des musiciens"...
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Igor Stravinsky : "prie Madame Walther Straram d'agréer ses très sincères condoléances à l'occasion du grand malheur qui vient de la frapper"...
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Félix Weingartner : "condoléance".

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- 2 décembre : Ganna Walska présente sa démission de la présidence de Société Immobilière du TCE puis renonce à cette hâtive décision en nommant Enrich Straram à la place de son père. Elle repart aux États-Unis.
1934. 24 avril, Dimitri Mitropoulos dirige l'Orchestre Straram avec Vladimir Horowitz en soliste. Mozart : Symphonie n° 39, Rachmaninov : Concerto n° 3 pour piano, Strauss : Mort et transfiguration, Bach/Mitropoulos : Fantaisie et fugue.

D'avril à juin et en novembre, Toscanini dirige à de très nombreuses reprises l'orchestre Straram. Les concerts du 25 et 27 mai 3 et 6 juin sont un hommage à la mémoire de Straram.

23 novembre, Toscanini dirige le dernier concert de l'Orchestre Straram au TCE avec notamment la Symphonie n° 9 de Beethoven.

Enrich Straram [5] s'efforce de perpétuer les activités de l'orchestre et à faire en sorte qu'il occupe une place de premier plan à l'échelon national. Malgré les plaintes des chefs des Sociétés de Concerts dominicaux, Jean Mistler alors ministre des P.T.T. décide, le 18 janvier 1934, la création de l'Orchestre National de la Radiodiffusion française (aujourd'hui l'Orchestre National de France) dont la direction est confiée à D-E Inghelbrecht [6] 
1935. Maurice Jaubert dirige l'orchestre Straram dans la musique écrite par Jacques Ibert pour le film de Julien  Duvivier  Golgotha.
1936. 8 et 12 décembre, Toscanini dirige au TCE deux concerts à la tête d'un orchestre composé de plusieurs membres de l'Orchestre Straram, derniers feux de cette illustre formation.
1943. 22 novembre. "Le Tombeau de Walther Straram", à l'occasion du 10ème anniversaire de sa mort, hommages de Henri Busser, Alfred Cortot, Claude Delvincourt, Jacques Ibert, D. - E. Inghelbrecht, André Obey, Albert Roussel, Florent Schmitt, Jean-Louis Vaudoyer, Émile Vuillermoz dans la revue Comœdia Voir Bibliographie.
1946. 14 juin TCE Concert de la finale du Concours public de fin d'année de la classe de direction d'orchestre du conservatoire au cours duquel est attribué le Prix Walther Straram. [7] À également été créée une Fondation Straram dont la direction était assurée par le flûtiste Marcel Moyse et dont le Comité d'honneur était composé de Roger Désormière, Jacques Ibert, Jacques Jaujard, Olivier Messiaen, Charles Munch et André Obey. Elle eut une vie active jusque dans les années 1990.

NOTES

[1] GOUVERNE Yvonne André Caplet in Revue Zodiaque janvier 1976 p.16.
[2] Lire à ce sujet le livre (rare) de Quaintance  Eaton, The Boston Opera Company The Story of a Unique Musical Institution, Appleton-Century, New York, 1965.
[3] Harold McCormick (1872-1941) était l'héritier d'une famille ayant fait fortune dans les machines agricoles. Marié avec Edith Rockfeller dont il eut cinq enfants, McCormick s'éprit de la chanteuse Ganna Walska dont il fit sa maîtresse puis son épouse en 1922. Il dépensera des milliers de dollars pour ses cours de chant et tentera même de l'imposer en 1920 à l'opéra de Chicago dans une production de Zaza de Leoncavallo, mais à la suite d'une dispute avec le réalisateur Pietro Cimini lors de la répétition générale, la capricieuse prima dona claqua la porte. Les dollars de l'industriel permirent à sa compagne de subventionner le TCE. La crise financière de 1929 et son divorce en octobre 1931 devaient conduire Ganna Walska au retrait de son mécénat. 
[4] Dans ce cadre de ces Jeux Olympiques (les derniers organisés par Pierre de Coubertin) avait été prévue une Grande Saison d'art et un Concours d'Art réunissant plusieurs disciplines : sculpture, peinture, littérature, architecture et musique. Pour la musique, cinq nations présentèrent sept candidats. La France, pour sa part en présenta trois : Gerry (Hymne aux sports) , H. Marquillier Thiriez (Ludus pro patria) et J. Richard (Marche sportive pour piano). Le jury sous la présidence de Charles-Marie Widor, réunissant des compositeurs de très nombreux pays, décida de ne décerner aucune récompense.
[5] Enrich Straram (22 mai 1903-28 août 1983) tenta en vain de perpétuer l'orchestre Straram dont il était administrateur depuis 1925. En 1928, il fut nommé secrétaire général de la Société Immobilière du TCE. La mort de son père, le divorce puis le désintérêt de Ganna Walska le conduiront à dissoudre l'orchestre paternel. Dans une lettre du 10 décembre 1934, Pierre Monteux sollicité déclinait l'offre de reprendre l'Orchestre de Straram. Jean Mistler, alors ministre des P.T.T., le nomma administrateur de l'Orchestre National de la Radio auprès d'Inghelbrecht. En 1940, on lui confia la création et la direction de la Bibliothèque Musicale de la Radio. Il acheva sa carrière à l'ORTF (Office de Radio Télévision Française) en 1968. Parallèlement, Enrich Straram continue d'assurer l'administration du TCE, représentant Ganna Walska qui, après une brève réapparition en 1935 puis une courte visite en 1948, ne revint plus jamais dans "son" théâtre. En 1963, pour le cinquantième anniversaire du TCE, l'Orchestre National de la RTF sous la direction de Charles Munch donnera un concert en hommage à Walther Straram. C'est en 1970 que Ganna Walska, sur les conseils d'Einrich Straram, vendra ses 18 000 actions de la Société Immobilière du TCE à la Caisse des Dépôts et Consignations. fin d'une longue histoire artistique et financière.
J'ai eu l'occasion de le rencontrer dans les derniers mois de son activité à la radio et je peux témoigner que cet homme courtois était d'une grande classe et encore très respecté dans le milieu musical. "Enrich Straram, écrit Henri Dutilleux, fils de Walther, avait un rôle éminent à la tête de la Bibliothèque musicale, service constamment sollicité aussi bien pour les créations de musique contemporaine que pour le répertoire de tous les temps. J'ai ressenti comme chacun à quel point le prestige de son père avait auréolé toute cette période comme a pu l'être aussi le Théâtre des Champs-Elysées dont Enrich, après lui, allait lui-même assumer la direction durant cinquante années. Parmi tant de faits qui ont illustré la carrière de Walther Straram, je rappellerai seulement qu'en février 1931, aux Champs-Elysées, à dix jours de distance, il avait programmé, en 1
ère audition la Symphonie de Psaumes de Stravinsky et Les Offrandes oubliées de Messiaen." 
[6] Il avait été chef de chant lors de la création du Martyre de Saint Sébastien en mai 1911 sous la direction d'André Caplet.
[7] Le Prix a été décerné à Richard Blareau.


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